Inde - Mozart à Mahabalipuram

 

En descendant du car de Pondichéry au crépuscule, on ne sait pas très bien où passer la nuit. J’ai fait la route avec un Français et un Suisse rencontrés à la gare routière. Comme moi, ils vont à Madras, mais pour je ne sais plus quelle raison, on a atterri ici. Peut-être justement parce qu’on risquerait d’arriver trop tard pour trouver un hôtel.

Nous voilà donc à la gare routière de Mahabalipuram, une petite ville de la côte de Malabar, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Madras. Oui, à cette époque, on ne dit pas encore Chennai.

On se dit que le plus simple est d’aller dormir sur la plage. Laissant derrière nous le centre du village, on emprunte des chemins sableux au milieu des maisons de pêcheurs et des cocotiers. Il fait nuit, mais par chance c’est la pleine lune. C’est dans une ambiance magique qu’on arrive devant un petit temple construit au milieu d’une cour carrée. Sur le muret de l’enceinte, des dizaines de statues de vaches couchées veillent. À cette heure, tout le monde dort. On n’entend que le murmure discret des vagues sur la plage et du vent dans les cocotiers, peut-être un chien qui aboie au loin. On se pose sur le sable à l’extérieur du temple pour faire tourner un shilom.

Tout à coup quelques notes de flûte traversière nous parviennent de l’autre côté du mur. De la flûte traversière ? Un coup d’œil par-dessus le mur. Le flûtiste se tient dans un renfoncement de la façade du temple. Absorbé par sa musique, il ne nous a pas remarqués. Là-dessus embraye une clarinette. Ah ben tiens, ils sont deux. Ils interprètent un concerto pour clarinette de Mozart. Assis sur notre muret, on n’ose pas bouger une oreille. Sous la lumière blafarde de la lune, l’instant est mémorable.

Nos deux musiciens font une pause au bout d’un moment. On applaudit. On se présente les uns aux autres. Comme nous, ils sont arrivés ici en cherchant un coin peinard pour passer la nuit. Sauf qu’ils sont arrivés chacun de leur côté, et que c’est en faisant connaissance qu’ils se sont rendu compte qu’ils étaient tous deux musiciens.